Marcher seul, en silence, en prenant conscience attentivement de son corps ... de chaque mouvement, même le plus imperceptible, de chaque muscle ... de l'équilibre du corps.... Mais aussi
en pleine communion avec la nature..
nous ne marchons pas pour arriver quelque part, mais pour la marche elle-même.
Le mental n'est pas présent.
Le but de la méditation marchée est de vivre en pleine conscience et d’être en paix avec soi-même et ce, sans relâche. C’est pourquoi nous devons utiliser à la fois la respiration, les pas, le
compte du nombre de pas et le demi-sourire. Coordonner ces quatre facteurs vous donne le pouvoir d’être constamment en éveil (niem luc) et le pouvoir de concentration (dinh luc). Niem est
l’éveil, le contraire de l’oubli, la présence d’esprit, la pleine conscience. Le mot niem est une traduction du chinois, smriti en sanskrit et sati en pali. La concentration arrête la dispersion
et l’égarement de l’esprit, favorise la fixation de celui-ci.
La méditation marchée nous donne tous ces pouvoirs. Cependant vous n’êtes pas obligés de réunir les quatre facteurs à la fois (respiration, compte des pas, qualité des pas et demi-sourire) pour
atteindre la pleine conscience et la paix intérieure. Les pas seuls peuvent vous les procurer. C’est seulement quand vous ne vous trouvez pas continuellement dans cet état de bonheur paisible et
de pleine conscience que vous aurez besoin du renfort de la respiration, du compte et du demi-sourire.
Tout le monde peut coordonner sans problème ces quatre facteurs. Mais quand vous vous concentrez sur vos pas, votre conscience de la respiration et de sa longueur peut s’affaiblir de la même
manière que la lumière d’une ampoule électrique semble s’affaiblir lorsque l’on branche le chauffage. Cela n’a pas d’importance si vous pouvez fixer votre attention sur vos pas.
Alors que vous devez rassembler toute votre force de concentration sur vos pieds (pour visualiser par exemple un lotus s’ouvrant à chacun de vos pas), vous pouvez vous demander comment vous
pouvez en même temps prendre conscience des autres miracles autour de vous, comme le chemin frais bordé de saule ou l’air parfumé de champs de blé. C’est exact. Plus le champs de votre
concentration est grand, moindre est sa force. Si vous désirez porter votre attention sur les champs de blé parfumés, sur la rangée de saules, sur les arbres ou sur les nuages, vous n’avez qu’à
vous arrêter. Suivez toujours votre respiration et contemplez tous ces paysages à votre gré. Vous pouvez faire naître le demi-sourire sur vos lèvres et maintenir celui-ci sans problème. Un peu
plus tard, reprenez votre marche et reportez votre attention sur vos pas.
Dans le petit prince de St exupéry:
Le renard explique au petit prince que sur la terre les gens se dépêchent pour gagner du temps.
et toi, demande le renard au petit prince, que ferais-tu du temps que tu aurais gagné?
Et le petit prince répond:
"je marcherais lentement jusqu'à une fontaine...."
Kinhin, la méditation marchée :
par Isshô Fujita :
Dans la tradition Sôtô, on fait kinhin entre les moments d’assise comme l’a enseigné Dôgen et comme lui-même l’avait appris de son maître chinois, Nyojô. Le Hôkyôki
mentionne que "souvent, Nyojô allait et venait entre les parties orientale et occidentale de la salle nommée Daikômyôzô pour l’expliquer à Dôgen." On pratique toujours kinhin comme une
continuation de la méditation assise. C’est une façon de vivifier l'esprit et le corps sans interrompre le calme de la méditation assise. On s’assoit cinquante minutes puis on fait kinhin une
dizaine de minutes. On s'assoit, on marche, on s'assoit. Ceux qui le pratiquent pensent que le Bouddha marchait de cette manière. Dans certaines Écritures, il est mentionné que le Bouddha
marchait lentement, l’esprit recueilli, dans les bois après s'être assis. Ce qu'on cultive dans l’assise, on l’applique dans la marche, par le mouvement. La méditation assise se continue mais
sous une autre forme. Parfois, on parle du zazen en marche. On peut également l’appliquer à des pratiques plus complexes comme la cuisine, le balayage ou le nettoyage. Quoi qu'on fasse, on le
fait avec l’esprit du zazen. "Juste" (shikan) est un mot essentiel, comme dans shikantaza, "juste s'asseoir", kinhin n’est que "juste marcher". Unifié dans l’action, on marche juste pour le fait
de marcher, sans se préoccuper d’un objet en particulier. La marche inclut beaucoup d’éléments comme la sensation des pieds sur le sol ou l’orientation dans l’espace - la conscience posturale. On
ne peut toujours rester assis. C'est un sas entre la tranquillité de l’assise, et le mouvement habituel qui permet de faire émerger la méditation dans la vie quotidienne. Kinhin est entre la
marche et la station debout. On marche lentement, très lentement, au rythme de la respiration, de l’inspiration et de l’expiration. On écoute la respiration et on se meut à son rythme en
respirant naturellement.
Nyojô enseigna avec compassion : "Quand vous vous levez pour marcher, vous devez pratiquer la méthode d'une respiration par demi-pas. On entend par là que lorsque
vous déplacez votre pied, celui-ci ne dépasse pas la moitié d’un demi-pas, le temps d’une respiration." (Hôkyôki)
Nyojô dit : "Lorsque vous vous levez pour marcher, ne marchez pas en rond mais en ligne droite. Lorsque vous voulez tourner après vingt ou trente pas, tournez par la
droite et non par la gauche. Et quand vous bougez les pieds, déplacez d’abord le pied droit, puis le pied gauche." (Hôkyôki)
La position des mains a la même importance que dans l’assise. On doit rester attentif de telle façon que l'on puisse maintenir cette posture. La main gauche est
refermée en un poing souple avec la main droite qui la recouvre. Dans l’assise, la main gauche repose sur la droite, mais en se relevant on les retourne en les appuyant doucement contre la
poitrine. Certains laissent un petit espace, mais les mains doivent rester près du corps. Il n'est pas nécessaire de modifier la relation entre la main droite et la main gauche. Comme dans
l’assise, les pouces se pressent très doucement. La position des yeux est identique à celle de la méditation assise, les yeux sont à moitié ouverts, le regard baissé devant soi, à quarante-cinq
degrés. Une posture droite est essentielle dans l’assise comme dans la marche. Les yeux sont dans le même plan que les épaules, et le nez dans le même plan que le nombril. C'est la partie
inférieure du corps qui avance lentement.
Comme dans l’assise, il n’y a pas d’obstacle à la marche. On se lance et l'on n'est lié ni par le corps ni par un quelconque ordre du jour. On marche avec l'espace,
le sol, la pièce et le monde entier. En marchant, on découvre cela naturellement. Ce n'est pas le résultat d'un effort mais un produit naturel du juste-marcher. Ce n’est donc pas quelque chose
qu'on essaye de faire ou de fabriquer, c’est un don du dharma. Pour que cela fasse sens, il faut que ce soit un don venant de la pratique et non l'essai d'une fabrication. Pour Dôgen, lorsque
quelqu’un s'assoit, tout le monde s'assoit, lorsqu’un quelqu’un fait kinhin, tout le monde fait kinhin.
En se levant du coussin, on s’incline deux fois, on tourne par la droite et on se retrouve l’épaule droite dirigée vers le centre de la pièce, à la perpendiculaire
de la position qu'on avait face au mur. On prend la position des mains, on respire deux fois puis on commence une respiration, avec un pied, car la respiration est lente. Si l’on est tranquille
debout, la respiration est relâchée et lente. On respire et l’on bouge comme si l’air emplissait la plante des pieds. Le corps est vide comme le bambou. On marche lentement avec grâce et dignité.
On lève le pied légèrement, on pose le talon en premier puis on appuie jusqu’aux orteils au fur et au mesure que l’on expire. Le pied appuie graduellement sur le sol pour s’ancrer fermement dans
le sol. Pendant un bref instant, on reste tranquillement sans bouger car l’expiration se poursuit un moment. Au début de l'inspiration, on bouge l’autre pied. Au son de la cloche on ramène les
deux pieds l’un à côté de l’autre et on s'incline. On revient à son coussin, on s'incline deux fois et on s’assoit. Ce qu’on appelle le gasshô.
♠j♠
Dans le monde de la méditation, une quarantaine de techniques différentes existent. Néanmoins, elles ont toutes en commun la contemplation du corps et de l’esprit.
Dans un premier temps, on commence par développer la concentration ( “Samatha”) et ensuite la vision intérieure ( “Vipassana”). Si le plus souvent, c’est la position assise qui est privilégiée,
il serait faux de penser que méditation rime avec immobilité. La marche méditative est par exemple considérée comme un excellent remède contre la colère. Ajuster le rythme de sa respiration à
celui de la marche et concentrer son attention sur le contact des pieds sur le sol, comme l’explique Thich Nhat Hanh dans “La sérénité de l’instant”.
En fait, quelque soit l’endroit où l’on se trouve, la pratique de la méditation marchée est possible. Tous les jours, l’homme marche : pour rentrer chez lui, faire
des courses, voir des gens. Mais il ne pense jamais à son déplacement en tant que tel. Au contraire, la méditation permet d’apprécier pleinement la marche : il ne s’agit plus d’avancer pour
arriver quelque part, mais de marcher pour la marche elle-même. Etre dans l’instant présent, conscient de sa respiration, de ses mouvements, voilà l’objectif. La marche méditative renforce
l’énergie et stimule la circulation. Elle sollicite les muscles, la concentration, et favoriserait même la digestion.
Vous voulez essayer ? Soyez attentif à votre corps, aux sensations des mouvements. Gardez les yeux ouverts mais ne regardez pas vos pieds. Si vous vous dites “je
vais rester attentif”, “je dois rester attentif”, cette pensée est déjà considérée comme un échec : vous vous éloignez de vos sensations.
J. Krishnamurti dit “ La méditation est une chose qui n’est pas arrangée, organisée. La méditation EST. Elle commence avec la première marche, qui est d’être
libre de toutes vos blessures psychologiques, peurs accumulées, anxiété, solitude, désespoir, tristesse”. De quoi se laisser tenter...
extrait de : http://www.buddhachannel.tv/portail/spip.php?article254