Marc de Smedt & Patrice van Eersel
Donner du sens à sa vie :
c’est la formule qui s’est imposée quand, préparant son vingtième anniversaire, l’équipe du magazine Nouvelles Clés s’est demandé ce qui fédérait les centaines de grands entretiens qu’elle avait menés depuis 1988, avec des philosophes, des maîtres de sagesse, des thérapeutes, des scientifiques, des inventeurs, des pionniers de l’écologie, des artistes, etc.
Des années après, ces entretiens ont gardé une fraîcheur et une pertinence étonnantes, parce qu’ils s’interrogent sur des questions éternelles : où allons-nous ? que faisons-nous de notre existence ? quel sens ont notre vie, notre mort, nos amours ?
Avant-propos :
Donner du sens à la vie : c’ est une clameur sourde qui monte de la société, un courant de fond qui parcourt aujourd’hui chaque être conscient.
C’est certes là un vieux besoin de l’humain dans sa quête d’absolu. Mais aujourd’hui, on dirait qu’il se réveille avec plus de force.
Est-ce dû à la montée des incertitudes, au rythme des catastrophes climatiques qui s’amplifie, aux prix des matières premières qui s’envolent, à la crise alimentaire qui frappe, à la montée des fanatismes, aux pollutions diverses, psychiques et physiques, qui se révèlent dans leur étendue chaque jour davantage ?
Est-ce dû à cette fin d’un monde, à ce véritable changement de civilisation auquel nous assistons, parfois éberlués par sa vitesse ?
Est-ce dû aussi à ce besoin de trouver en nous-même des apaisements et des solutions pour éclairer et rendre plus vastes nos existences, les enrichir de sens, justement, partagé avec autrui ?
De tout cela, nous avons parlé sans cesse depuis vingt deux ans, dans la revue trimestrielle Nouvelles Clés de 1988 à 2010, en cherchant les témoins les plus lucides et honnêtes qui soient. De tout cela, cette anthologie témoigne avec force.
Donner du sens à sa vie : cette formule s’est imposée d’emblée comme représentative lorsque nous avons choisi cette quarantaine d’entretiens, au milieu de centaines d’autres, pour composer cette anthologie.
Franchement apocalyptiques, les cris d’alarme des écolos se multiplient. Les prophéties de malheur pleuvent. Qu’en disent les sages ? Que le mot « apocalypse » veut aussi dire « révélation » . . .
Celui qui écoute les plus fortes traditions spirituelles peut se sentir écartelé entre deux extrêmes :
soit apprendre à méditer avec les Orientaux (yoga, taï-chi, zazen), pour ne voir qu’illusions dans toutes ces agitations, « positives » comme « négatives », et tâcher, individuellement, de dépasser son ego pour gagner le centre de soi, le silence, l’Être ;
ou alors prolonger la poussée judéo-chrétienne, qui est aussi celle des modernes, et croire à un possible mouvement, à un progrès, à une montée en conscience collective, persister à rêver, à concevoir, à créer, à faire, à devenir.
Le Grand Jeu invite évidemment à trouver comment combiner ces deux faramineux projets. Orient et Occident. Être et devenir, rien de moins.
La partie est difficile. L’optimisme semble perdre chaque jour des points.
La biosphère fond ! En face, du côté de la Recherche & Développement du business d’avant-garde, devenu vert, le défi est immense. Passionnant. Mais pas gagné d’avance.
Le seul joker est intérieur :
malgré la furie de la réaction intégriste, le dialogue et les échanges entre les cultures, les traditions, les rituels du monde - des chamaniques aux futuristes - s’élargissent irrésistiblement.
C’est pourquoi les plus audacieux des personnages, dont vous allez lire les propos ici, tels Yves Coppens, Michel Serres ou Frédéric Lenoir, n’hésitent pas à voir dans notre époque une Renaissance aussi puissante que celle du XVle siècle, voire plus :
une mutation de l’ordre du Néolithique, il y a dix mille ans, quand nos ancêtres inventèrent l’agriculture, l’écriture, la civilisation.
Espérons-le, en remerciant tous ceux qui ont participé à cette aventure, qui se poursuit
aujourd ’hui avec la nouvelle formule bimestrielle du magazine Clés .
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