Violence, humiliation, trahison, perte d’un être cher… Même si l’on a beaucoup souffert, il faut pardonner. Pour soi. Pour se délivrer de sa dette de haine. Un cheminement intérieur en six étapes, proposé par de plus en plus de thérapeutes américains.
Le pardon
Je ne leur pardonnerai jamais ! " Plusieurs fois, en juillet dernier, les téléspectateurs ont vu Aimé Jacquet invectiver ainsi les journalistes de L’Equipe et plus d’un a ressenti que leur nouvelle idole troublait un peu l’apothéose du 12 juillet. Quand on vient de gagner la Coupe du monde de football, n’est-ce pas le bon moment pour pardonner ? Mais, très vite, ils ont pardonné à Aimé… de ne pas vouloir pardonner.
Le pardon, on en parle beaucoup aux Etats-Unis où l’on voudrait que Bill Clinton l’implore solennellement de ses concitoyens. Mais demander pardon exige moins de vertu que de l’accorder. Ce n’est d’ailleurs pas à cause de leur Président que le pardon revient, aujourd’hui, en Amérique, mais parce qu’il représente un acte profond et libérateur pour celui qui l’exerce. Nous avons demandé à notre correspondante aux Etats-Unis, Sophie Chiche, de mener l’enquête sur cette vogue qui affecte surtout les milieux psychologiquement avertis ou religieusement engagés. Car la masse de la population n’en est pas encore là. Un sondage récent sur la peine de mort faisait apparaître que si 75 % des Américains y restaient favorables, seuls 45 % estimaient qu’elle pouvait avoir une valeur dissuasive pour les criminels. Autrement dit, pour 30 %, il faut mettre à mort par vengeance.
Comment pardonner l’impardonnable ? " Le pardon est là précisément pour pardonner ce que nulle excuse ne saurait excuser, répond le philosophe Vladimir Jankélévitch. Il est fait pour les cas désespérés ou incurables. "
Pardonner ne signifie pas oublier. Au contraire, il faut se souvenir de l’offense pour pardonner. Mais, à l’inverse de la vengeance qui refuse l’oubli pour inscrire éternellement une dette de haine, le pardon nous délivre d’elle, nous libère d’un passé qui n’arrive pas à passer. D’où son utilité pour chacun tout au long de la vie.
" Pour me sentir vivante, retrouver en moi la paix, j’ai pardonné, raconte Elizabeth, 37 ans, violée par son père de 11 à 16 ans. Parce que je continuais à souffrir. Je ne m’aimais pas et je sentais bien que tant que j’en voudrais à mon père, rien ne changerait. "
Depuis cinq ans, de plus en plus de thérapeutes américains inscrivent le pardon au cœur de leur pratique. Pas besoin d’avoir la foi. Le nouveau pardon se pratique d’abord pour soi. Il est pragmatique, quotidien, intérieur. Il peut d’ailleurs se travailler seul. C’est un antibiotique qui permet d’annuler l’effet d’une bactérie appelée autocritique, jugement, rancune ou culpabilité, tous ces sentiments qui nous pourrissent la vie. C’est un état intérieur auquel on accède après un travail parfois long, souvent difficile, parce qu’il nous oblige à nous remettre en cause, à assumer notre part de responsabilité, à prendre le risque d’avoir encore mal, à accepter nos limites et celles de l’autre.
Pardonner, ce n’est pas valider ni excuser. Ce n’est pas prétendre que tout va bien et serrer les dents. Ce n’est pas une faveur que nous accordons ou une autorisation à recommencer. Ici, l’important n’est pas de savoir si ce qu’on nous a fait est bien ou mal, si le " coupable " mérite d’être puni ou pas. Ce qui compte, c’est de pardonner pour soi afin d’être plus heureux.
Nous avons rencontré Suzanne et Sidney Simon, un couple de thérapeutes qui animent des stages sur le pardon, ainsi que Judy, Carry, Jane, Elizabeth, Sam, Ed et Matt, qui nous ont raconté leur apprentissage. Un voyage en six étapes.
Prendre conscience que l’on a eu mal
" Longtemps, j’ai eu l’impression d’aller bien, se souvient Carry, 33 ans, artiste peintre. Je ne savais même pas que j’en voulais à mon père de nous avoir quittés quand j’avais 7 ans. Je rationalisais : je le défendais, je blâmais ma mère de n’avoir pas su le retenir. C’est en peignant sur une toile un cœur tranché par une épée, saignant le rouge le plus cru qui soit, que j’ai réalisé ma douleur. "
En effet, pour être conscient de sa douleur, encore faut-il la ressentir. Or, pour l’éviter, nous développons mille stratagèmes : on oublie, on rationalise, on normalise.
"Je ne me souviens de rien, raconte Judy, 24 ans, étudiante vétérinaire. J’avais 19 ans, je prenais des cours de physique avec un ami de mes parents. Un soir, en leur absence, nous avons révisé tard. Puis je l’ai raccompagné à la porte. Là, il a cherché à m’embrasser. Je l’ai gentiment repoussé et lui ai demandé de partir. Après, je ne me souviens de rien. Quand mes parents sont rentrés, ils m’ont trouvée inanimée sur le sol de l’entrée. Le rapport de police confirme que j’ai été violée mais je ne me souviens de rien. C’était il y a cinq ans et des images me viennent encore quand je fais l’amour avec mon mari. L’ami de mes parents est toujours en prison."
"Oublier est l’un des systèmes de survie le plus efficace, explique Sidney Simon. Quand l’événement est trop insupportable pour notre conscience, nous choisissons de l’éliminer, nous prétendons qu’il n’a jamais eu lieu… Jusqu’à ce que nous soyons capables de le gérer. "Sortir de cette phase est difficile car elle offre un certain confort. Cela aurait pu être pire", "C’est une vieille histoire", "Ça m’a rendu meilleur"… Autant de phrases que l’on se répète pour continuer à fonctionner. Sauf que l’ignorance s’apparente à une anesthésie générale : quand on endort une émotion, on risque de les endormir toutes.
Arrêter de se blâmer soi-même
"Quand nous nous sommes séparés, mon mari et moi, cela a été très violent, se rappelle Jane, 54 ans, secrétaire de rédaction. Il m’avait trompée et je ne l’ai pas supporté. Je me suis énervée, on s’est battu. Avec mes 50 kilos, je n’ai pas fait le poids… C’était ma faute, je n’aurais pas dû m’énerver. Après tout, je n’aimais plus tant faire l’amour ces dernières années et je comprends qu’il soit allé voir ailleurs."
"S’en vouloir et se sentir responsable de ce qui nous arrive est un bon moyen de se donner l’illusion qu’on contrôle la situation", analyse Suzanne Simon.
"Mes parents buvaient beaucoup quand j’étais petit, avoue Matt, 43 ans, commercial. A jeun, c’étaient des gens formidables, originaux, rigolos, aimants, les meilleurs parents. Sous l’emprise de l’alcool, ils devenaient fous. Ils tombaient dans les escaliers, hurlaient sur nous sans raison. Ils oubliaient de venir nous chercher à l’école ou nous laissaient des heures dans la voiture devant un bar. J’ai grandi avec l’idée que, si je les avais mieux aimés, si j’avais mieux travaillé à l’école, ils auraient cessé de boire."
Il est essentiel de sortir de cette phase parce qu’elle nourrit des comportements autodestructeurs. Celui qui est convaincu que s’il avait fait ceci ou dit cela, la situation se serait améliorée, est emprisonné dans son propre jugement. La réalité est que s’il avait pu – ou su – faire autrement, il l’aurait fait. "Le blâme de soi-même est l’un des plus puissants destructeurs de l’estime et de l’amour de soi", confirme Sidney Simon.
La suite sur Psychologie :
- Prendre conscience que l’on a eu mal
- Arrêter de se blâmer soi-même
- Sortir du rôle de victime
- Exprimer sa colère
- Se confronter à l’autre
- Le pardon
- Témoignage
- Religion
- Contre le pardon
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